Crédit photo : Philippe Klein
Ce jeudi 21 octobre la compagnie Madani a été conviée par les membres de l’association Méditerranée Plurielle pour jouer deux représentations devant des lycéens et collégiens au sein du lycée polyvalent Jean Lurçat à Perpignan. Louise Legendre dans le rôle d’une élève de 3ème qui se nomme Nina, Mounira Barbourch dans le rôle de Madame Bensalah, professeur et mère de Nina, Valentin Madani un djihadiste sous le nom d’Abou Amar. La pièce se déroule en 4 actes, la première partie souligne la relation conflictuelle entre une mère et une jeune fille de 15 ans qui se cherche, âge passerelle entre l’enfance et le monde adulte souhaitant affirmer son identité et se construire par rapport à une autorité. Deux êtres humains dont le vécu, les valeurs morales, le sens de l’éducation, la vision de l’existence sont antagonistes.
La deuxième partie nous montre comment Nina rencontre via les réseaux sociaux et sur Skype un individu qui s’appelle Abou Amar, un guerrier d’Allah, combattant de Daesh et qui vit en Syrie. Celui-ci avec des paroles sirupeuses flatte cette jeune fille naïve, insidieusement l’a séduit et l’entraine irrémédiablement vers son radicalisme islamiste et ses doctrines refusant tout compromis, prônant le meurtre, l’obscurantisme et le déni.
La troisième partie nous révèle le changement d’attitude de Nina, qui ne veut plus suivre ses cours de violon au grand dam de sa mère, le djihadiste lui a proféré que la musique est la tentation du démon, sheitan en arabe. Sa mère reçoit également une convocation de l’établissement scolaire qui stipule que sa fille veut dorénavant s’appeler Khadija et non Nina Breton et qu’elle a craché sur son professeur en le traitant d’infidèle. Dans son processus de radicalisation Abou Amar lui affirme que l’école est une œuvre de Satan : « travailler à l’école t’éloignes des desseins de Dieu. » Elle fait front à sa mère et la traite également de mécréante car elle n’a plus foi en l’islam, qu’elle ne pratique plus et lui assène qu’elle est jalouse car elle est aimée par Abou Amar. Elle doit porter le voile sous l’injonction de son mentor quand elle le rejoint la nuit sur Skype dans sa chambre à l’abri des regards de sa mère. L’endoctrinement continue inlassablement, il lui demande d’être son épouse et de le rejoindre en Syrie.
La 4ème partie nous indique comment sa mère veut connaître l’individu qui radicalise sa fille et comment elle va réussir à converser avec celui-ci grâce à un subterfuge, le démasquer et le combattre grâce à sa rhétorique et son savoir. Nous ne dirons pas le coup de théâtre final mais elle arrivera à faire prendre conscience à sa fille qu’elle a été manipulée.
Les acteurs jouent sans artifice pendant 1h et 20 minutes, ils interpellent les collégiens et les élèves en les regardant dans les yeux. L’auditoire est conquis, des rires fusent avec les dialogues et les mimes des comédiens qui permettent de la dérision et un peu de légèreté sur des sujets graves. C’est aussi une chance pour les jeunes qui n’ont pas l’occasion d’aller au théâtre de pouvoir connaître cette forme de culture et peut-être de susciter des vocations.
Une belle initiative grâce à l’association Méditerranée Plurielle pour permettre aux élèves de s’interroger sur le danger de se faire endoctriner sur les réseaux sociaux, comment lutter contre l’extrémisme religieux, le radicalisme et l’obscurantisme. Avoir les armes rhétoriques nécessaires pour ne pas se faire abuser, pour pouvoir se faire sa propre opinion, avoir le sens critique et acquérir la tolérance pour vivre avec ceux qui ne croient pas et accepter l’autre dans sa différence. Ceci nous rappelle les inscriptions écrites sur le mur du lycée Jean Lurçat, symboles de la laïcité et de la France : Liberté, Égalité et Fraternité.
La parole a circulé dans la salle à la fin de cette pièce à l’initiative de Samir Amghar. Diplômé en droit, en science politique et en sociologie, Samir Amghar était également invité pour assister au spectacle. Il a animé à la fin de la représentation un débat avec les élèves et l’assistance sur le processus de la radicalisation via les réseaux sociaux et les remèdes pour s’en préserver. Ce chercheur et enseignant s’intéresse aux problématiques liées à la cohésion sociale, le vivre ensemble et les enjeux pour les sociétés contemporaines. Ses travaux portent principalement sur le fait religieux en situation minoritaire. Il a été l’un des premiers chercheurs à étudier l’émergence et le développement du salafisme et des frères musulmans en Europe ainsi que leurs techniques de prédication et de mobilisation auprès des jeunes issus des quartiers populaires.
Merci à la compagnie Madani et aux membres du bureau de Méditerranée Plurielle : Samia Selmani, Mohammed Koceïr, Hélios Miquel et Thierry Hostein pour leurs implications ainsi qu’aux professeurs et à la direction des deux établissements, collège Joseph-Sébastien Pons et le lycée Jean Lurçat d’avoir ouvert leurs portes pour aider les élèves à comprendre le processus d’endoctrinement et les éclairer pour le combattre.
« J’ai rencontré Dieu sur Facebook » deux représentations théâtrales de la compagnie Madani au lycée Jean Lurçat et au collège Joseph-Sébastien Pons. Crédit photo : Philippe Klein