Crédit photos : Louis Jacques Mazué. Le maître soufi Sidi Mohamed Faouzi Al Karkari fondateur de la Tariqa Karkariya (au centre) en compagnie du professeur Yousef Casewit de l’université de Chicago (à droite) et de Saad Ansari expert en intelligence artificielle et directeur chez Jasper A.I. (à gauche).
À l’heure où l’Humanité se retrouve face à de nouveaux grands défis, différentes attitudes sont observées. Certains s’écartent de la sagesse traditionnelle et ses lumières, voyant en elle une sorte de poids trop lourd pour nos nouveaux défis, ou comme un amas de valeurs trop vues et entendues pour faire la différence, ou encore comme des choses appartenant au passé et devant être dépassées pour l’évolution de l’Humanité. D’autres, peut-être moins rêveurs, plus pragmatiques, savent que l’Humanité n’en est pas à ses premiers changements, ni à ses premiers bouleversements et que toujours, la sagesse a servi de garde-fou. Aujourd’hui, nombreux sont les défis que nous devrons relever ensemble. Et depuis la période du Covid-19, les choses semblent s’accélérer. Le monde va à une vitesse qu’on ne parvient plus à suivre, les schémas sont redéfinis et les desseins qui étaient valables autrefois se retrouvent changés du tout au tout.
Dans ce nouveau monde, nous relevons des priorités, des grands principes qui doivent mettre tout le monde d’accord, car leur impact se fera ressentir sur notre vie à tous. Parmi eux, la question de la place de l’Homme dans le monde face à la place de ce que ses mains ont produit. Également, la nécessité de ne pas se reposer sur nos acquis en matière de paix et de vivre ensemble : la guerre actuelle et les tensions aux différents endroits du monde nous rappellent que la paix est un travail et un effort de chaque instant, une manière de se voir soi et de considérer l’autre, toujours dans l’intérêt de tous. Un autre de nos défis, rejoignant notamment celui de la place de l’Homme, c’est notre rapport au savoir et à l’information, à une heure où la masse des savoirs semble peser de plus en plus tandis que la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, à une heure où l’information fuse à une vitesse telle qu’elle ne parvient plus à être assimilée puis digérée, mais semble être consommée d’une manière frénétique. C’est à l’heure de tous ces changements, entraînant de nouveaux challenges, que nous avons décidé de mettre la loupe sur deux grands pays, où plutôt sur ce que deux grandes traditions représentent : à savoir, les États-Unis, pays relativement jeune à l’échelle de l’Histoire, mais absolument incontournable pour le monde moderne et son évolution, et le Maroc, pays très ancien aux valeurs millénaires dont la sagesse de ses maîtres n’a d’égale que la réputation de son inégalable hospitalité. Et c’est à travers un événement très actuel – mois de mai 2023 – que nous étudierons les avancées de deux mondes devant inexorablement se retrouver : la visite du maître soufi marocain, fondateur de la Tariqa Karkariya, Sidi Mohamed Faouzi Al Karkari, aux États-Unis. Plus qu’une simple visite de courtoisie, les événements ponctuant le programme de sa présence outre atlantique sont à l’image des enjeux sociétaux d’aujourd’hui.
L’Homme et la technologie : à l’heure de l’I.A :
Vu comme le plus grand changement depuis l’émergence d’Internet – dont le bien-fondé n’est plus discuté, bien que certaines de ses utilisations soient critiquées -, l’arrivée de l’I.A accessible à tous fait réagir. En bien comme en mal, de manière optimiste comme pessimiste, les nouvelles possibilités que permettent déjà – et encore plus à l’avenir – l’I.A ont de quoi pousser à se questionner. Mais si la question du bien ou mal, ou encore celle de la limite et de la portée de ces nouveaux outils, n’était pas la bonne question ? C’est en ce sens que le maître spirituel soufi marocain, Sidi Mohamed Faouzi Al Karkari a été entendu lors d’une conférence à l’université de Chicago, en compagnie de Saad Ansari, ancien de l’université de Yale et directeur chez Jasper AI – entreprise spécialisée dans l’I.A.
Deux mondes se sont alors rejoints afin que les meilleures conclusions soient tirées. Et la réponse est sans appel : quel que soit ce que deviendra l’I.A, l’Homme en reste le créateur, et le Créateur de toute chose par excellence a choisi pour l’Homme d’être son vicaire sur Terre. De ce postulat nous devons comprendre que le reste de la création est sous la protection de l’Homme, tant que celui-ci la traite de la bonne manière et surtout tant qu’il se souvient de sa propre place. Car tout le problème est bien là ! Tant chez les religieux que chez les profanes, on semble oublier la grandeur de notre rôle malgré la réalité de nos limites. Nous remarquons dans le cadre du sujet de l’intelligence – artificielle ou non -, un éloignement dans la façon de considérer ce qu’est l’intelligence telle qu’elle est définie par Dieu pour l’Homme. Elle n’est ni une course à la vitesse d’exécution ni quantifiée par une quantité d’informations. Elle est plutôt ce qui permet de viser juste et de s’élever dans ce que nous appelons la science utile. Utile à qui ? À l’Homme dans son environnement, afin que celui-là soit un vecteur de son retour à Dieu et de sa vie en harmonie sur Terre. Utile à l’Homme, afin que son savoir ne soit pas une source de maux supplémentaires ou d’éloignement du divin. Et c’est là notre véritable défi à tous : savoir se situer individuellement et collectivement face à nous-mêmes, plutôt que de se sentir menacés par un environnement qui ne nous est hostile qu’à cause de notre manque de discernement.
Le vivre-ensemble sur une symphonie de connaissance divine :
Il y a une différence cruciale entre agir pour le vivre-ensemble, tenter de le créer dans un chaos inavoué, et être un vecteur de paix. Et s’il y a bien une qualité universelle partagée par tous les maîtres soufis et les sages du monde : la paix émane d’eux au point où tout un chacun la ressent à leur fréquentation. Pour qu’il y ait un véritable vivre-ensemble, il faut qu’il y ait une connaissance de soi, de l’autre, du monde, et pour les croyants que nous sommes, avant tout, de Dieu ! C’est avec ces ingrédients que la paix n’est plus uniquement recherchée, mais qu’elle est sécrétée par tous les atomes de l’individu. C’est dans cet état d’esprit profond que deux grands mondes, deux grandes traditions se sont rencontrées. Il s’agit de la suite du parcours du maître soufi, Sidi Mohamed Faouzi Al Karkari, à la rencontre de la fédération juive de Chicago, en compagnie du professeur Yousef Casewit, spécialiste du soufisme, du professeur rabbinique Yehiel E.Poupko, et des professeurs de l’Université Notre Dame, Jeremy Brown et Tzvi Novick. Cette rencontre riche se déroula autour du thème de la quête du savoir sacré, de l’importance des saintes écritures et de l’interconnexion historique entre la sagesse juive et musulmane. La réussite de tout rapprochement dépend surtout du thème abordé pour travailler sur une unité au-delà des différences, ou de l’union au sein de la dissociation, grand thème et passage obligatoire de l’initiation soufie. S’il est connu que la transmission judaïque se fait davantage par la mère, tandis que la tradition islamique donne plutôt ce rôle au père, Sidi Mohamed Faouzi Al Karkari a mis l’accent sur le rapport maternel du maître avec son disciple, et donc du maître universel avec l’ensemble du monde. Une manière de montrer la complémentarité des différentes visions qu’offrent les différentes traditions.
Une pérégrination remplie de symbolique :
La suite de la visite nous en dit long sur les enjeux de l’époque. Après Chicago, direction San Francisco où le maître ira notamment visiter le siège des groupes Facebook Google et YouTube en compagnie de ses disciples. Dans un monde où la place de ces géants a pris tellement d’ampleur, la visite est forte en symbolique : deux mondes doivent coexister, le sensoriel et le spirituel. Plus l’Homme évolue dans le monde matériel, plus il semble vouloir s’affranchir de ce qui fait sa valeur première. Cette démarche n’est pas la bonne et le rôle des maîtres appelés « éducateurs » – faisant référence aux egos des gens devant se diriger dans la bonne direction – est de tendre la main à tous, afin que la porte soit connue et empruntée par ceux qui y aspirent, sans parfois même le savoir.
La visite se poursuivit dans différents lieux, toujours savamment choisis, passant de Washington et ses emblématiques institutions, à l’université de Stanford où se déroulera une conférence sur les enseignements de l’Histoire de Moïse. Nous pouvons également évoquer le symbole fort de l’inauguration par le maître d’une Zawiya – centre spirituel soufi – à Washington.
Cette première visite marque le début d’une grande histoire, qui commença certes avant la venue physique du maître, car si les émanations de l’Amérique du Nord touchent le monde entier, les enseignements du maître sont enseignés dans de prestigieuses universités américaines comme l’université de Chicago depuis maintenant plusieurs années. L’avenir nous dira la portée qu’auront ces signes positifs d’une avancée commune, mais une chose est sûre, c’est déjà une réussite.

Crédit photos : Louis Jacques Mazué. À droite Yousef Casewit professeur à l’université de Chicago, le Maître Sidi Mohamed Faouzi Al Karkari fondateur de la Tariqa Karkariya, le professeur rabbinique Yehiel E.Poupko, et les professeurs de l’Université Notre Dame, Jeremy Brown et Tzvi Novick

Le maître soufi Mohamed Faouzi Al Karkari en visite sur le campus de Google dans la Silicon Valley.